"Oh punaise ! Mais je suis où là ?"

Voila les premières paroles d'une héroïne tombée dans un univers jusque là virtuel mais qui d'un coup venait de prendre une tout autre réalité.

Le vent avait la saveur de la terre et des plantes tournées vers un soleil d'une douce chaleur.
Tout semblait si réel. Pourtant, l'ange qui était tombée sur le sol observait les lieux avec un étonnement non dissimulé , son regard arboré des éclats de panique.
Elle se releva, manqua de tomber, observant la finesse de ses jambes puis sa tenue  offrant quelques transparences ça et là, la faisant rougir nerveusement. Elle reporta ensuite son regard sur le bâton gisant au sol, le prenant dans sa main et l'observa avec crainte.

Son souffle devenait saccade, son corps était secoué de frissons glacés et elle fit quelques pas dans une direction, puis dans une autre, complètement perdue avant de s'immobiliser et de fermer les yeux pendant de longues secondes, les mains sur sa tête , essayant de sortir de  ce qu'elle prenait pour un cauchemar.


"Respire ... calmement ... c'est surement un rêve ou ... une hallucination ... Le surmenage de la semaine et les tensions ... Respire Alice ..."

Je rouvrais les yeux après plusieurs secondes, les yeux clos. Mais j'étais toujours ... ailleurs ... je ne savais pas trop ou exactement .... L'idée que je puisse être dans mon jeu était tellement .. inconcevable !

J'avais besoin de parler à quelqu'un, d'avoir la confirmation que c'était bien un rêve.

Avec prudence toutefois, je suivis le chemin sur lequel je me trouvais. Il longeait une forêt plutôt sinistre et je n'étais pas vraiment rassurée mais il fallait bien que je trouve quelqu'un.

Ma marche dura un petit moment et je finis par me souvenir que la forêt que je longeais était la "forêt des crocs". J'avais suivi une quête qui m'envoyait vers l’église de la nuit pour y enquêter et trouver un livre saint.

Mes mains se resserraient sur mon bâton ... enfin ... celui d'Aurore et son contact lisse me rassurait légèrement mais pas suffisamment pour être sereine.

Je commençais à en avoir assez de marcher sans rencontrer personne et je finis par m'assoir au pied d'un arbre, mon bâton sur mes genoux, essayant de calmer les battements furieux de mon coeur , faisant le point sur la situation et cherchant du regard la moindre trace d'un être vivant dans les parages.

Le silence fut ma seule réponse et le désespoir se drapa autour de mes épaules qui s'affaissèrent alors que mes yeux me piquaient à force de retenir des larmes salés.

Sous ces arbres , que je ne connaissais encore que numériquement il y a peu de temps, me voilà à sentir une feuille tomber dans ma chevelure, prenant cette dernière dans ma paume à observer les détails de ce petit bout de nature. Je suis les nervures de la feuilles du bout des doigts.

Tout semble si ... réel ... c'est tellement déroutant ...
J'en froisse la feuille de rage dans ma paume, essayant encore une fois de me concentrer pour me réveiller. C'est tellement frustrant que je ne perçois pas le danger qui rôde non loin de moi et ce n'est qu'à la dernière minute que je relève la tête lorsqu'une voix de stentor se fait entendre dans le silence de ce début de soirée.

- Petite ange, tu vas mourir

Ma tête réagit plus lentement que mon corps et sans que je comprenne ni comment ni pourquoi,  j'aperçois un homme à la peau sombre foncer vers moi, son regard brillant fixé sur moi, le pied tendu en direction de mon visage, prêt à me tuer d'un seul coup. J'esquive in extremis le coup de pied d'une roulade sur le côté, me demandant même comment je peux savoir faire cela alors que j'ai toujours était nulle en gymnastique.

Je me retrouve sur un genou, mon bâton dans une main , tourné vers l'étranger, surprise de ce qu'il vient de se passer.

Je me relève et automatiquement, me mets en posture de combat.

Mais ... d’où je sais ça moi ... ?

J'avais le sentiment étrange que mon corps avait ... comment dire ... automatique basculé en mode "combat" .... comme quand je jouais sur oSo ...

Mais c'est complètement ridicule et je secoue la tête pour me sortir ces bêtises de la tête.

Mon rêve devient vraiment trop bizarre et malgré mon coeur qui bat lourdement dans ma poitrine, je ne peux résister à ma curiosité. J'interroge l'homme d'une voix essoufflée

- Pour...quoi ... m'attaquez-vous ? Je ne vous connais même pas ! Et où sommes-nous ? Pourquoi je n'arrive pas à me réveiller ???

Malgré ma posture défensive, j'attends sa réponse , agrippée à mon bâton, espérant que ce cauchemar cesse bientôt.

Une sentence irrévocable, un soupir de plaisir, l'Horizon qui se referme sur moi tout ça par une simple réponse.

- Ce n’est pas un rêve, mais ta nouvelle réalité !

Je ne pouvais croire cela. Ce n'était pas possible. Pas dans la vie réelle ! On dirait le scénario d'un film façon Jumanji ... C'était soit une grosse plaisanterie soit un rêve vraiment étrange ... mais ça ne pouvait pas être vrai !

- Non .. non ... c'est impossible ... !

Mais l'homme face à moi ne répondit rien de plus, se mettant également en garde après s'être écartée de l'arbre, poings serrés , prêt à foncer vers moi.

La peur faisait trembler mes mains qui tenaient mon bâton. Il ... il allait vraiment m'attaquer ?

Quand l'homme bondit vers moi je ne pus retenir un petit cri apeuré, bien pitoyable , n'ayant pu esquiver le premier coup qu'il me porta aux côtes, me coupant le souffle alors que je m'affaissait au sol, sur les genoux, esquivant par hasard le coup qu'il avait essayé de me porter au visage.

Une main autour de mon ventre, l'autre toujours sur le bâton, je serrais les dents, sentant un gout métallique dans ma bouche. J'avais le souffle court et une douleur vive qui se diffusait dans mon buste. Mais , alors que mon adversaire revenait à l'assaut, je contrais son attaque suivante en plaçant mon bâton devant mon visage qu'il visait de son poing. Il frappa mon arme mais ne parvint pas à me blesser cette fois là.

J'en avais assez de ce rêve , j'avais mal et j'étais complètement paniquée. Alors que cet homme vienne s'en prendre gratuitement à moi avec le seul argument que j'étais "ange" me fit perdre mon sang froid et dans un cri de rage, je repoussais le colosse en frappant rudement mon bâton contre son ventre, me redressant à moitié, puis en le faisant reculer en appuyant contre ses pectoraux, mes deux mains appuyant tout contre pour l'éloigner de moi.

Mon adversaire se recula , laissant une distance entre nous deux mais me fit signe d'approcher.

Je me relevais péniblement, mes jambes flageolant un peu. Nous n'étions pas du même niveau lui et moi ... Vu que j'étais dans le corps de mon personnage, Aurore ... avais-je ses pouvoirs et capacités du coup ? J'avais bien des ailes dans le dos mais je ne savais pas m'en servir ...

Pourtant ça aurait été le bon moment de m'enfuir en volant ...  Bon ... en dehors de ça qu'est ce que je pouvais faire ... ? Aurore avait un sort de guérison, une bénédiction divine qui me protègerait bien des attaques de cet homme et l'affaiblissement ! Peut-être qu'en combinant mon éblouissement , je le perturberais assez longtemps pour pouvoir lancer mon affaiblissement sur lui et réussir à prendre un petit avantage ! Il fallait que j'essaye ... que je le surprenne ... mais ... comment je lance mes sorts au fait ?  

Je n'eus pas vraiment l'occasion d'y réfléchir car mon adversaire semblait être prêt à repartir à l'assaut et je ne devais pas lui laisser cet avantage. Je me mis à courir vers lui, mon bâton tendu vers lui comme un chevalier lors d'un duel en joute.

Si tout cela n'était qu'un rêve pourquoi mon instinct de survie était il aussi ... acerbé et pourquoi lorsqu'il m'avait frappé , la douleur m'avait semblé si réel... ? C'est pour cela que je me battais ? Survivre ?

Trop de pensées bourdonnaient dans ma tête mais une seule prédominait à présent que mon bâton fendait l'air, en direction du visage de l'homme qui me toisait du regard : Battre cet étranger et le faire parler ensuite.

Je plongeais sur le  côté, quand l'homme répondit à ma première attaque. Je laissais mon corps réagir, ne réfléchissant qu'au prochain coup à porter à mon adversaire. J'essayais de lui faucher les jambes afin de le faire tomber , abaissant mon bâton vers son crâne pour l’assommer, parant la plupart de ces coups mais ne pouvant tous les éviter.

J'étais essoufflée, mes épaules et mes jambes tremblaient sous l'effort mais je maintenais ma garde, sur la défensive, mes tempes couvertes de sueur froide. J'étais à la fois épuisée et pourtant ... mon corps semblait être plus endurant que mon esprit ... Plus agile, plus fort que ce que je ne pouvais être dans la vie réelle ! Je m'extasiais encore de cela même en plein combat... j'étais désespérante !

Mais pour le coup, ce n'est pas mon adversaire qui me fait relever la tête mais un bruit ... non... plusieurs bruits même tout autour de nous ...

- Qu'est ce que ... ?

Des loups sortaient de l'ombre des arbres pour nous entourer, leurs gueules ouvertes sur des crocs pointues et menaçants.  Nous étions cernés. Si je devais combattre des loups et l'inconnu en même temps, je savais que je n'aurais aucune chance.

Les loups s'approchaient, grognant furieusement, nous obligeant à nous rapprocher mon adversaire et moi. Au moins, les loups ne semblaient pas faire de distinctions entre moi et l'homme , nous désignant tous les deux comme "proies".


Je n'étais pas sûr de moi ni de ce que j'allais dire au jeune homme dans mon dos mais ... la situation exigeait une trève. Peut-être allait-il refuser et en profiter pour reprendre le combat avec moi mais ... seule , je ne tiendrais pas face à tant de loups... et lui , malgré sa maitrise du combat qui semblait plus élevé que la mienne, il aurait probablement du mal aussi à venir au bout de cette meute.

Dans un murmure, je soufflais ces quelques mots à mon adversaire.

- Je crois que .... qu'on... va devoir s'entraider si on veut pouvoir prendre ...  le dessus sur ces loups ...

Le géant se tenait dans mon dos et à son souffle irrégulier, je compris que je n'étais pas la seule pour qui le combat avait été éprouvant. Bien qu'il s'avère être un redoutable adversaire, j'avais réussi à esquiver quelques fois ces attaques. Vive et agile, j'étais même parvenu à lui rendre quelques coups mais ... j'étais en plus piteux état que lui. Je voyais un peu trouble et ma bouche avait un gout métallique et salé.

Peut-être était-ce la fin pour moi. Mon ennemi allait profiter de la situation ...

- Essaie de ne pas te faire bouffer, je n’irais pas te chercher si tu fini dans leur estomac.

Sur le coup de la surprise, je ne pus m’empêcher de tourner la tête vers l'homme, voulant voir s'il disait cela réellement. Mais à son ton sérieux et sa reprise de position défensive, le regard braqué sur les loups, je compris que nous avions signé la trêve.

Je me positionna à mon tour, juste le temps de voir qu'un loup gris courait vers moi, gueule grande ouverte, prêt à me déchiqueter. Je fis un pas en arrière, m'agrippant à mon bâton, voyant déjà la fin se profiler quand la puissante main de mon adversaire-partenaire agrippa la gorge de l'animal et la serra jusqu'à lui rompre le cou. Le géant venait de me protéger ... !

Un bruit d'os brisé et le gargouillis du loup crachant du sang par terre, un dernier grognement et la mort l'emporta, le laissant à terre, inerte. Cette scène me donna un haut le coeur mais il n'était pas l'heure d'être fragile ou de penser à mon sauvetage car déjà d'autres loups attaquaient.

Deux loups grognaient vers moi, les autres se dirigeaient vers le géant qui se retrouva vite assaillit. Mon cœur battait furieusement dans ma poitrine. Je devais faire quelque chose !!
Et soudainement, me vint à l'esprit une des deux capacités raciales d'Aurore : L'éblouissement ! J'allais l'utiliser !!! Nous offrir quelques secondes de répit !! Dans un réflexe de survie, je me vis lever la main vers le ciel et ... Soudainement Mon corps brilla et une chaleur m'envahit avant de s’expulser de moi. Mais au lieu d'un intense rayonnement que j'avais pu voir quand je jouais Aurore, cette fois ce fut étonnamment faible. Au lieu  d'éblouir la zone du combat, je ne parvins qu'à faire cligner des yeux les deux loups face à moi. Je me sentis bien bête mais je pouvais tout de même profiter de l'effet de surprise et le bout de mon bâton s'écrasa avec fracas sur le crane d'une des bêtes, l'autre sautant sur le coté pour esquiver.

Le loup qui avait subit mon bâton s'immobilisa sur le sol et ne bougea plus. Je pouvais me concentrer sur l'autre mais je ne fus, cette fois pas assez rapide et le loup plongea sur moi, griffant mon avant bras droit d'un coup de griffe acéré. J'en hurlais de douleur sur le coup, faisant tomber mon bâton pour porter ma main gauche sur mon avant-bras et contenir le sang qui coulait de mes plaies béantes. Je n'avais pas le temps de souffler, le loup revenait à la charge et je l'esquivais en sautant par dessus lui, m'offrant sur ce laps court de temps une vue effroyable du combat que menait le géant non loin de moi. Il arrachait la gueule d'un loup, écrasa un autre sous sa botte , hurlant  de rage et de douleur comme un animal redoutable. Son cri me fit froid dans le dos .... ou bien était-ce la douleur de mon bras qui me faisait trembler de froid ?

Le loup face à moi après un demi tour, plongeait de nouveau à moi. Je pus à peine récupérer mon bâton de ma main ensanglantée qu'il me tombait dessus, me faisant chuter sur le dos. J'en criais de douleur, ayant probablement chuté sur un morceau de roc car je pouvais sentir une douleur lancinante dans mon dos et quelque chose de pointue se planter au niveau de mon épaule, lacérant au passage mon aile.

L'animal pesait de tout son poids sur moi et baissait sa gueule mortelle vers moi, essayant de me mordre au visage ou à la gorge. Mon bâton en guise de bouclier, je peinais à le retenir, usant de mes deux mains même si l'une d'elle me faisait horriblement souffrir. La peur et l'instinct de survie me faisait tenir bon et dans un ultime cri de rage , je baissais rapidement mon bâton et le repousser de toute ma force dans la gorge du loup qui en perdit le souffle, grognant en secouant la tête. j'en profitais pour le frapper sur le côté du museau, le faisant chuter sur le côté et d'une roulade, m'éloigner de la bête qui glapit avant de s'enfuir vers la foret, ne laissant derrière elle que des traces sanguinolentes.

Les derniers survivants qui entouraient le géant firent de même et en quelques secondes, nous nous retrouvions à nouveau seuls.

Le géant saignait et peinait à retrouver son souffle. Pour ma part, mon bras blessé ballotait contre mon flanc et mon aile blessée trainant dans mon dos. Je sentais un liquide poisseux gouter de ma bouche et d'une de mes tempes. Faire un pas en avant était si difficile ... Mais je parvins à m'approcher du géant qui, son regard posé sur moi, inquisiteur finit par me demander mon nom.

- Je ... m’appelle Alice ... Enfin ... dans la vraie vie ... Et ... toi ?

Je respirais avec difficulté mais ... j'étais en vie. Et cela, je le devais à ce géant qui se tenait assis face à moi. Il s'était interposé quand le loup avait foncé vers moi.

Je posais mon bâton au sol et approcha encore du géant. Je n'avais plus d'armes et je tendis mes mains couvertes de sang vers le géant pour lui signifier que je ne cherchais pas à reprendre le combat.

Je lui dis seulement cela :

- Merci de m'avoir .. protégé.

Et avec lenteur et douceur, je posais mes mains sur les plaies du géant, déployant ma magie de guérison pour refermer les plaies du géant, panser les blessures physiques, le soigner alors que je perdais du sang et de l'énergie vitale. Quand les blessures se refermèrent, je me recula doucement, observant mon œuvre. C'était surement du suicide car à présent rien n'empêchait le géant de se relancer dans un combat contre moi.

Mais je n'avais plus de force et je tombais sur les genoux,épuisée. J'allais probablement m'évanouir d'ici peu, incapable d'user de magie pour me soigner ce qui aurait pourtant été bien utile.

- Sacré ... combat hein ...

Dis-je en esquivant un faible sourire avant de me faire accueillir par des ténèbres sans fin dans lequel mon corps vidé plongeait tout entier.

Une phrase ...

Un souffle ...

Une exclamation teintée de crainte ...

" Reste avec moi Alice"

Seuls sons que j'entendis avant de sombrer totalement dans l'inconscience.

J'avais l'impression de flotter tout en m'enfonçant pourtant dans une eau glaciale. Mon corps tremblait alors qu'un flot brûlant s'écoulait de moi. Mes ailes étaient inertes, je ne parvenais pas à les bouger.

Il faisait si froid et j'avais peur.

J'étais seule, yeux clos sur le noir infini, mon cœur battait de plus en plus lentement dans ma poitrine, s'adoucissant ... ralentissant ... j'entendis mes battements de loin, comme si j'étais spectatrice de ma chute dans ma propre inconscience et que le son provenait d'une source lointaine.


était-ce cela ... la mort ? La fin d'une vie ? L'errance dans des ténèbres sans fin ...? La douleur  qui sature mon corps, mes veines, mon être ?

Perdue dans des ténèbres insondables:

Pourtant , dans cet univers sans lumière, je sentis tout à coup quelque chose. Une tiédeur sur mes lèvres , qui se déversait dans ma gorge et remplissait mon être. J'en frémis ...

La douleur se calma
je me sentais plus qu'engourdie mais plus brisée ...

Et la chaleur m'entourait ...

Je voulais ouvrir les yeux mais mon corps ne m'obéissait pas ... J'avais besoin de temps pour récupérer , mais ici le temps n'avait aucune signification.

Enfin ... la lumière revint.

Et lentement, j'ouvrais les yeux.
Il faisait sombre mais une douce lueur me parvint à la périphérie de mon regard et en tournant la tête , je pus constater qu'il y avait un feu. Et le guerrier.
Comment avait-il dit ? Seb ... oui ...Seb.

Bien que la nuit soit tombée, je n'avais pas froid. En effet, j'étais couverte d'une couver... non... une cape.

Je me redressais un peu, le corps encore engourdi mais je n'avais plus mal. Ce constat me rassura mais me laissait interrogative sur ce qu'il s'était passé et je relevais les yeux vers le guerrier.

- Que.. que s'est-il passé ?

Lorsque je me redresse, le géant est à mes cotés, gardien de mon sommeil. Avec la couleur de sa peau il se confondait presque avec la nuit mais son regard était chaud et je découvrais cela chez lui avec une curiosité vive . Il finit par me répondre qu'ayant abusé de mon pouvoir, mon corps n'avait supporter. Je m'étais donc pitoyablement évanouie après l'utilisation d'un sort de guérison.

Ce n'était pas vraiment glorieux comme situation. Mais l'homme ne se moqua ni ne commenta mon acte, me conseillant seulement d'être plus prudente.

Il posa sa grande main sur le haut de ma tête.

Il était si immense ... sa main à elle-seule pourrait certainement serrer ma tête entière.
Je devais lever haut les yeux pour croiser ses prunelles insondables.

Mais cet instant étrange pris fin quand l'homme s'en retourna à sa place, concluant ainsi

- Tu as besoin de reprendre des forces….

Je repoussais un peu la cape, essayant de vérifier l'état de mes ailes. Je me souvins qu'une avait été blessée. Cela avait été particulièrement déroutant d'avoir mal à un endroit qui , d'habitude n'existait pas.

Sentir deux ailes dans mon dos, leurs poids, ces muscles se tendre mais sans pour autant réussir à les contrôler ou à les déployer.

Tout ce que j'avais fait depuis mon arrivée de "magique" comme jeter un sort avait été réalisé sous le coup d'une impulsion, de l'urgence de la situation.
Maintenant, comme ça , je ne savais pas si je serais le faire.

Pourtant, ce n'est pas d'avoir senti mes ailes frémirent alors que je me concentrais pour les faire bouger qui me fit sursauter mais que d'un coup, des victuailles apparaissent. Le géant touchait son avant bras de manière bien étrange.

… Et d’apprendre.

"Apprendre" ?

Etait-ce sa manière de me dire qu'il allait m'aider ?
L'homme me tendit de la nourriture et je le remercia dans un souffle.

Je me rendis compte que j'étais affamée mais m'inquiétais quand même de la provenance de la nouritture.

Mais à le voir manger sans crainte, je ne tardais pas non plus à croquer dans le pain. Même la nourriture avait le gout de nourriture. Chaque chose ici semblait ancrer ce rêve plus profondément dans la réalité. Et l'homme lui-même semblait confirmer cela en se présentant ainsi :

- Appelle moi Saprobion, c’est comme ça qu’on m’appelle ici. Comment dois-je t’appeler, petite ange ?

J'allais rétorquer "Alice" mais ... à sa manière de m'observer avec une lueur malicieuse , je retins ma remarque et à la place, m'entendis lui répondre :

- Aurore.


- Comment ... comment tu as fait ça ?

Je voulais me rapprocher et me relevais donc, encore affaiblie et les jambes fébriles mais je parvins à m'approcher du géant et m'assit face à lui, les flammes entre nous deux.

Ne voulant abuser de sa générosité, je lui tendis sa cape qu'il m'avait prêtait.

- Merci aussi pour ça.

Hors RP:

La nuit est paisible, le vent murmure dans les arbres autour d'une petite zone éclairée, cocon calme après une rude bataille sanglante ou les deux héros reprennent des forces, se dévisagent, s'analysent, se domptent et enfin ... se reconnaissent alliés.

L'imposant géant à la peau d'ébène , silencieux face au crépitement du feu et de ma main tendue , portant la cape qu'il m'a gentiment prêté, pose son regard sombre sur moi.
J'en ai un léger frémissement mais je reste impassible, gardant mon sourire de remerciement, attendant qu'il prenne la cape. Il finit par rompre le silence, m'invitant à garder la cape pour le moment. Je le remercie d'un geste de la tête et la repasse autour de mes épaules, profitant de la chaleur du tissu sur mes épaules qui perdent leur léger tremblement à cause du froid ambiant.

Saprobion continue en répondant à mon interrogation de tout à l'heure.


- Si tu fais attention, tu verras une ressemblance avec un clavier d’ordinateur en plus simplifié. De là, tu as accès à toutes les fonctionnalités que tu avais avant de te trouver dans le jeu. Oublie de vouloir te déconnecter, ça ne fonctionne pas. Essaie …  

Je baisse le regard sur mon avant bras que je découvre. Il y a une sorte de dessin, de tatouage blanc sur ma peau... et à bien y regarder, cela ressemble en effet à un clavier... ce qui servait d'interface sur mon personnage pour voir ces compétences, son inventaire ... Et me rapelle que désormais, le personnage... c'est moi.

Je pianotais, passablement surprise de pouvoir le faire ainsi et , en effet le bouton "Deconnexion" était grisé. J'avais beau appuyer dessus, il ne fonctionnait pas. En soupirant, je délaissé cela et fouilla mon inventaire pour y prendre mon outre d'eau. Elle apparut d'un coup, tombant sur mes genoux ce qui me fit sursauter et lacher un petit cri de souris appeurée.

Je toussotais , mal à l'aise, faisant comme si rien ne s'était passé malgré les battements sourds de mon coeur et mes joues rosies par la honte.

Je pris un peu d'eau au creux de ma main et me débarbouilla le visage. Même si je ne saignais plus, mon visage était encore taché d'émoglobine. J'aurais tout donné pour une bonne douche bien chaude ou un bon bain mais ... Il semblerait qu'il n'y en ai pas dans les parages ...

Après cette très brêve et fraiche toilette, je me sentais un peu mieux.Ma tête bourdonnait de question mais je ne savais lesquelles poser. Après tout ... Saprobion avait été mon ennemie. Je ne comprennais toujours pas pourquoi il s'en était pris à moi ... et ensuite, pourquoi il m'avait protégé.

Gardant mes interrogations et remarques, je rangeais l'outre et tendais mes mains vers le feu pour savourer sa douce chaleur au creux de mes paumes.  

- Pourquoi m'avoir attaqué ... et ensuite protégé ?

La question était finalement sortie toute seule ... je l'entendis comme si je ne l'avais pas dit... me surprenant à être aussi curieuse.

Le laissant, ou non me répondre, je posais sur lui un regard intrigué. Mais au fur et à mesure que le temps passe, lui comme moi sentions la fatigue alourdir nos épaules et je baillais quand il finit par annonce qu'il était temps de se reposer. J'acquiesçais en me frottant les yeux mais ils s'agrandirent bien vite quand il parla "d'entrainement"

- Un... entrainement... ? De ... quoi ?

Ma question était surement stupide mais ... je me doutais que bizarrement, vu le colosse qui se tenait en face de moi et me dépassait de bien plus qu'une simple tête, cela ne serait pas de tout repos.

comme imaginer une souris qui s'entraine avec un lion ...

J'avalais avec difficulté ma salive, me demandant ce qui m'attendait mais n'ajouta rien, me couchant près du brasier , recroquevillé sous la cape pendant que le géant faisait le guet.

Malgré le trop plein de choses à penser après une journée comme celle-ci , je m'endormis rapidement et ne fit aucun rêve, seulement bercé par le craquement des buches se consumant doucement dans le feu.

Au matin, c'est une lourde secousse à mon épaule qui me tira du sommeil, me faisant sursauter et redresser d'un coup. Saprobion qui semblait frais comme un gardon, me retira la cape d'un coup. Je serrais mes bras autour de mon buste , sentant la fraicheur du petit matin m'enserrer. Fronçant les yeux, je vis que le géant semblait être ferme et implacable quand il m'ordonna de me lever.

- Allez, va dérouiller un peu cette carcasse qui te sert de corps.


Je ne savais pas trop ce qu'il attendait que je fasse ... Dans le doute, je me leva, m'étirant un peu nerveuse de voir que le guerrier ne me quittait pas des yeux.

J'avais jamais été une grande sportive et j'espérais seulement que Saprobion ferait preuve ... d'indulgence à mon égard.

N'avais-je pas le droit d'espérer ... ?

Des aveux offerts lors d'une nuit d'encre, deux êtres qui se dévisagent, s'interrogent. Des paroles qui laissent perplexes mais pour lesquelles le temps n'est pas venu d'étudier .

L'ange se questionne essayant de comprendre les réponses offertes par le Lycan mais la fatigue finit par avoir raison d'elle et nos deux compères finissent par délaisser la conversation pour un repos bien mérité.


Le matin se profilait à peine et pourtant j'étais déjà en sueur.
Saprobion, en plus de me réveiller à l'aube, m'avait fait m'étirer tout en me tournant autour.
Un lion autour d'un agneau.
Je m'étais retenu de lui faire une remarque sur son attitude gênante. ça  s'était gâté ensuite quand il avait pris les choses en main.

Moi qui n'avait jamais été une sportive, me voilà à courir, faire des pompes, sauter dans tous les sens. Le moindre de mes muscles était utilisé jusqu'à la surchauffe.

Je ne calculais même plus le nombre de fois ou je tombais par terre et encore moins le nombre de fois ou je me forçais à me relever.

J'avais la gorge en feu à force de respirer fiévreusement par la bouche.
Bien que ce nouveau corps soit souple et solide, j'étais tout de même maitresse de ce dernier et je manquais d'endurance.

Je n'arrêtais pas de me demander "Mais c'est quoi ce mec ... pourquoi il m'oblige à faire tout ça ... ?" sans pour autant arrêter de suivre ces ordres ou conseils qu'il me grognait dessus comme un ours mal léché.

Il avait ce quelque chose d'autoritaire ... d'imposant ... ce genre de regard qui vous oblige à continuer malgré la fatigue qui vous accable, malgré la douleur de vos jambes ou de vos bras...

Et enfin ... enfiiiin, Saprobion me dit un mot , salvateur : " Pause ! "

J'en aurais pleuré de joie si je n'étais pas aussi épuisée. Je n'avais plus de force et me laissais choir au sol suivant du regard, le géant qui se dirigeait vers notre campement de fortune et s'emparait de mon bâton.

A peine avait-il posé la main dessus que je sentis mon corps se contracter.
Instinctivement, comme si c'était marqué dans mes gênes, je me sentis nerveuse de le voir avec mon arme. Comme si mon bâton était une partie de moi et le fait que quelqu'un d'autre s'en saisisse me laissait un sentiment de malaise.

Pourtant ... Dans mon for intérieur, je ne pouvais m'empêcher de me dire que je pouvais avoir confiance en Saprobion. Il ne m'entrainerait pas ainsi si c'était pour me trahir derrière ...

L'on m'avait toujours qualifié de grande naïve lors de ma vie "non-numérique" J'avais cette manie de faire confiance aux gens sans restriction. Peut-être était-ce mon côté "m'enfoutiste" qui m'empêchait de vérifier si ma confiance était vraiment justifiée ou non ... je faisais simplement confiance sans réfléchir.

Et dans le cas du guerrier, il m'avait donné plusieurs preuves qui incitait à la confiance.

Mais délaissant ces pensées , je me concentrais sur Saprobion qui revenait avec mon bâton et commençait à le faire tournoyer, l'utiliser réellement comme une arme, voltigeant habillement, variant les mouvements, finissant en piquet impressionnant.

Je l'observais bouche bée. Il était vraiment ... incroyable. Je pouvais percevoir encore mieux la différence de niveau entre lui et moi ... Je tremblais discrètement en me rendant compte qu'il pouvait me tuer vraiment facilement s'il le désirait.

- Sers toi de ton bâton pas toujours comme d’une lance, à force tu deviens prévisible et facile à anticiper.

J'acquiesçais au parole de cet étrange professeur , essayant de bien retenir ces conseils. Il continua en expliquant que je devais utiliser intelligemment mon bâton avec ces deux extrémités mais que mes ailes pouvaient être un obstacle pour certaines techniques. Je jettais un coup d'oeil à mes ailes toujours tristement inertes. C'est vrai que défois, je ne savais pas quoi en faire, ayant deux ailes dans le dos mais incapable de m'en servir... Je rêvais de pouvoir voler ...

Mais Saprobion n'avait pas le temps de me laisser m'apitoyer sur mon sort et me fit signe de me lever. Je me redressais en serrant les dents, le corps douloureux.

- Il serait bien que tu arrives à t’en servir d’ailleurs. Interdiction de manger tant que tu n’as pas réussi à les déployer.

Quoi ... ??

Je le regardais, interloqué mais l'homme ne rigolait pas. Mon ventre profita de ce silence pour grogner bruyamment. J'en rougis mais, frustrée de me voir refuser de la nourriture, je tourna le dos à Saprobion , boudant un peu. J'étais épuisée, à cran et affamée. Plus que de la colère envers Saprobion, c'était envers moi que j'en avais. Même avec un corps comme celui d'Aurore, je me retrouvais toujours faible et incapable.

Bon ...c'était pas le moment de déprimer ... j'allais pas avancer comme ça ...
Je respirais longuement, fermant les yeux, laissant l'air remplir mes poumons , essayant de me calmer, de ralentir mon rythme cardiaque un peu trop effréné ...Lentement ...

Inspiration ...
Expiration ...

Ressentir mon corps ... ressentir les muscles de mes ailes ... C'était trés étrange d'essayer de faire bouger des membres que je n'avais jamais eu auparavant.

Je restais immobile, yeux fermés, à la découverte de ce corps. Je commençais par faire bouger les muscles de mes épaules et en tendant mes muscles, je pus sentir quelque chose ... La tension dans les muslces de mes épaules suivaient la continuité de mes ailes. J'avais pu sentir un frémissement  .. ! Oui !! Je recommençais et à nouveau mes ailes furent parcourut d'un léger frisson ! Je percevais un peu mieux mes ailes.

Je continuais ainsi encore et encore,  jusqu'à ce qu'enfin, j'arrive à faire bouger mes deux ailes.

Elles n'étais pas encore déployées, loin de là mais je ne pus m'empêcher de me retourner face à Saprobion, lui offrant un grand sourire, heureuse.

- Tu as vu ?? J'arrive à les bouger !!!

Quand je me retournas pour voir Saprobion, il m'observa pendant quelques secondes sans réagir, son regard perdu dans le mien.

Je n'avais pas réfléchis quand je m'étais tourné vers lui, simplement désireuse de partager ma joie. Aucune fanfaronnade ou air supérieur quand je m'exclamais vers lui mais la joie enfantine de quelqu'un qui a réussi à faire quelque chose malgré des doutes.

Saprobion finit par m'offrir un sourire, d'abord doux puis réellement heureux.
Une pensée furtive traversa mon esprit quand je le vis avec un tel sourire : Il est beau ainsi.

Fugace mais pourtant réelle, cette pensée me fit rougir. Le géant approcha de moi et me félicita, posant sa grande main sur mon épaule. Je lui souris d'avantage, le remerciant d'une petite voix alors qu'il se penchait vers moi. Je me figeais sur place, retenant mon souffle , le rose de mes joues s'accentuant d'avantage de la proximité de l'homme. Le temps semblait s'arrêter, même le vent s'était dans l'instant, tut.
Mes ailes en frémissaient nerveusement pourtant, je ne reculais pas , restant face à Saprobion. Cette bulle intemporelle éclata pourtant quand le guerrier s'arrêta , me regardant étrangement, sa peau d'ébène devenant étrangement plus sombre au niveau des pommettes. Nous échangions un regard gêné mais je ne pus m'y attarder car je me sentis soulever, les grandes mains de mon entraineur enlaçant ma taille avant qu'il ne me porte comme un paquet de chiffon sous son bras.

-Il est temps de reprendre des forces !

- Hééééé ! Repose moi ! Je suis pas une poupée !!

J'avais beau me débattre , Saprobion semblait ne rien sentir et finit par me déposer près du foyer éteint.

Je levais les yeux au ciel en croisant les bras, prenant l'air de bouder mais je ne pouvais rester bien longtemps bougon, l'homme face à moi avait l'air de bonne humeur et cela était contagieux. Il fit apparaitre deux repas et je ne fus pas longue à sauter sur ma part, affamée comme jamais.

Nous restions bien silencieux pendant le repas, Saprobion semblant plongé dans ces pensées.

Pour ma part, je ne pouvais m'empêcher de penser au monde que j'avais quitté contre mon gré. Je ne savais pas vraiment si j'étais triste ... je n'arrivais pas à réfléchir à mes sentiments ... les définir correctement ...

Je me demandais comment ça s'était passé du coup dans le monde réel quand d'un coup j'avais disparu ... Mon mari s'était-il mis à paniquer ? Comment avait-il vu la scène ... D'un coup j'étais assise sur ma chaise puis la seconde d'après je n'étais plus là ? Avais-je disparu des mémoires ... ? Est ce que quelqu'un essayait de nous faire revenir ?

J'imaginais très bien mon mari râler de devoir cuisiner. Autant pour les démarches administratives, la gestion des comptes, les impôts, les dépenses, tout ça il savait gérer mais gestion de la maison, il avait toujours décidé de me laisser le faire. " C'était le travail de la femme et faut bien que tu serves à quelque chose" me rabâchait-il ...

Je soupirais et finalement reposait ma nourriture, n'ayant plus faim d'un coup. Je rangeais le reste de nourriture et bu un peu d'eau , replongeant tête la première dans mes pensées.

Quand j'allais rentrer (car je m'imaginais bien qu'un jour ma vie ici prendrait fin) il faudrait abandonner la liberté qu'on m'offrait dans ce monde ... revenir à la monotonie du train-train quotidien ... Travail, rentrer, s'occuper de la maison, passer du temps avec son mari , aller se coucher, se lever, travail , rentrer ...

Ici il y avait beaucoup de choses pour laquelle je n'avais plus besoin de m'inquiéter ... et d'autres ou je n'avais jamais eu à m'en soucier, comme de finir dans l'estomac d'un loup par exemple...

- Que faisais-tu dans cette forêt avant ton… « Intégration » ?

Je relevais la tête, sortant de mes pensées en regardant Saprobion pendant quelques secondes, essayant de remettre mes idées en place. Buguant ainsi pendant 2 ou 3 secondes je finis par sortir de mon mutisme.

- Aaah oui ... ! Je .. je faisais une quête ! Euuuh ... Oui, voilà ! Je devais retrouver les 4 morceaux d'un parchemin qui devait me guider jusqu'à un artefact magique censé me donner une vision nocturne. J'ai récupérer un premier morceau et je devais chercher les 3 autres.

J'ouvris mon inventaire et fit apparaitre le morceau de parchemin que je tendis à Saprobion.

- Les 4 morceaux sont censés indiquer ou se situe l'artefact. Sur ce morceau, on dirait qu'il y a une sorte de boucle ... je pense que c'est une rivière. Je crois me souvenir que sur la carte, il y avait une rivière qui faisait une grande boucle et je pense que l'artefact doit être non loin de cette zone. Qu'en penses tu ?

Le géant se pencha pour voir le morceau de carte que je lui tendais avant d'ouvrir une carte. C'est vrai que je pouvais faire cela aussi !

Saprobion approuva mon raisonnement mais me questionna sur les autres morceaux.

- Je pense que nous trouverons le morceau suivant dans la zone que montre le premier ...
Ou au moins des indices !


Mon compagnon de route semblait d'un coup bien motivé à se lancer dans cette aventure et me suivre ! Mon regard se posa sur lui, à la fois surprise et perplexe. Mais quand il me demanda si je préférerais rester ici avec un regard plein de sous entendus sur un nouvel entrainement encore plus diabolique que ce que j'avais subis, j'en oubliais mes pensées pour rire mais surtout dire "Non" de la tête avec vivacité avant qu'il ne relance les hostilités.

Le géant était déjà prêt et je me dépêchais de me relever malgré mes jambes raides pour rassembler mes affaires et indiquer la route à suivre.
Saprobion, toutefois, s’enquérait de mon état de santé.

- A part la fatigue dû à mon """"entraînement""" [J'appuyais spécifiquement sur ce dernier mot avec un regard plein de malice] ça va plutôt bien ! Je ne pense pas avoir de séquelle par rapport à ... hier.

Mais au regard de Saprobion, mes vieux réflexes de gameuse me revinrent. J'étais tout de même un soigneur et dans un groupe , un bon ou un mauvais healer ça faisait toute la différence.

- Je serais pas AFK s'il nous arrive quelque chose, rassure toi !

Je pouffais de rire en disant cela ... D'être à présent dans cet univers offrait une toute nouvelle vision sur les combats et la "vie" dans le jeu.

Je demandais également s'il était bien remis afin que nous entamions ensemble cette nouvelle aventure dans les meilleurs conditions.

Une fois cela vérifié, j'allais me mettre en route mais une nouvelle question du Géant me parvins et me figea.

- Ta vie te manque, je veux dire celle en dehors du jeu ?

Bien que je me sois posée cette question plusieurs fois, j'hésitais à  jouer franc-jeu avec le guerrier. Bien que depuis le début, j'avais été honnête avec lui, là je me retrouvais hésitante ... Que penserait-il si je répondais sincèrement ...  ?

Mais en me plongeant dans son regard sombre qui semblait scruter mon âme , je me retrouvais forcée de lui dire la vérité.

- Et bien ... à vrai dire ... je ne sais pas vraiment si ma vie me manque. C'est encore trop récent mon arrivée ici et ... il y a beaucoup de choses dont je n'ai pas besoin de me soucier pour l'instant ... Quand je rentrerais, ça risque d'être le bazar mais ... enfait .. je ne sais pas ...

Je fis quelques pas pour me mettre par devant Saprobion et éviter son regard.

- La routine ... voiture, boulot, dodo ... cela ne me manque absolument pas ... Depuis que je suis ici , je ne me suis jamais sentie aussi ... vivante et ... [J'allais ajouter "libre" mais je me retins] et ... la vie ici est plus palpitante que ce que j'ai pu vivre de toute ma vie IRL.
Et toi ... ça te manque ? Tu es ici depuis longtemps ?

A la fin, je me retournais vers lui pour croiser son regard maintenant qu'il parlait, je me sentais moins observé.

Mais encore une fois, Il me questionna et cette fois sur mon petit ami.

Une question qui me mettait toujours mal à l'aise comme si de devoir avouer que j'étais mariée était un défaut ou un fait jugeable.

Je rougis et détournais les yeux.

- Je suis mariée.

Cela ne répondait aucunement à sa question. Je respirais lentement, cherchant mes mots.

- Il me manque un peu ...  Pas l'habitude d'être quelque part sans lui...

... Mais ce manque était plus par habitude que par désir et d'être seule pouvait être vraiment effrayant mais cette "liberté" avait aussi quelque chose de vivifiant. Je ne portais plus cette étiquette de "Alice femme de ..." mais j'étais juste "Alice".

- Puisqu'on en est sur les questions intimes, tu as quelqu'un dans ta vie ? Et ... tu as quel âge "dehors ?"

Pas de raison qu'il soit le seul curieux du groupe !

Ma curiosité fut accueillie par de la surprise et un long mutisme.
Avais-je été trop loin ?
Mon indiscrétion l'avait blessé ?

Je suivais Saprobion un peu en retrait ne sachant quoi dire ou quoi faire, craignant de ne l'avoir mis en colère.

Devrais-je m'excuser ou feindre la plaisanterie ?
Je n'avais pourtant pas pensé ma question indiscrète mais je ne devais pas oublier que finalement, je ne connaissais rien du Géant qui avançait devant moi dans un silence pesant.

- Plus vraiment. Cette routine, je ne l’ai pas ici. Du moins, elle est différente.

Enfin, le géant s'animait et répondait, brisant le silence et mes craintes par la même occasion.
Je le laissais donc me compter un morceau de son histoire, m'interrogeant sur ce "cercle vicieux" dont il parlait ou encore sur le fait de changer et d'être considéré comme "anormal".

Ma curiosité était à présent vraiment piquée à vif ... Et j'avais vraiment envie d'avoir plus de détails sur son existence dans la vraie vie.

Je ne pus m'empêcher de pouffer de rire quand il parla de soda glacé. Il est vrai qu'un bon café avec des oréos ... là tout de suite ça serait paradisiaque.

Mais la légèreté de cet instant disparut aussi brusquement qu'il était arrivé quand le guerrier me questionna sur mon "petit ami" et que je lui appris que j'étais femme mariée.

Il répondit un simple "Ah".

J'osais à peine jeter des regards dans sa direction ... j'avais l'impression qu'il était ... fâché ... en colère ... Je n'en comprenais pas la raison mais pourtant je me sentais fautive. Ce qui pourtant était complètement stupide. Je n'avais rien fait de mal ... Malgré cette dernière pensée que je me répétais sans cesse, je ne pouvais m'empêcher de me sentir coupable.

Le questionnant en retour, j’espérais que du coup, la tension palpable entre le géant et moi-même, que je ressentais en vague froide s'adoucirait.

-Non, je n’ai personne. Pas même un chat, elle est partie avec….

- Oh .. Je .. Je suis désolé

Mais Saprobion semblait ailleurs, m'observant en silence.
Son regard était intense et j'en eu le souffle coupé, préférant esquiver son regard et continuer de marcher, le voyant du coin de l'œil observer finalement le lointain.

Encore une autre question émise, sur l'âge cette fois et je fus surprise d'apprendre qu'il était plus jeune que moi ... et de beaucoup, à mon goût.

26 ans ...

J'allais passer pour quoi à jouer à des jeux vidéo à 32 ans passés ?
Une femme mariée sur des jeux vidéo de 32 ans ... normalement à cet âge-là on est mère de famille ... Ma belle-famille me le rabâchait assez tout comme mon mari mais ... je ne me sentais pas prête à avoir un enfant. Mon mari qui pourtant revenait sans cesse à la charge pour un enfant, n'avait toutefois pas confiance en mon instinct maternel. Comment pouvais-je moi-même me faire confiance dans ce cas-là ?

Ce fut à mon tour de rester silencieuse un instant, réfléchissant sur ma réponse ... Mentir n'était pas dans mes habitudes mais je craignais l'image que le guerrier pourrait avoir de moi.

" Vieille fille " / " Geek qui n'a pas de vie " et autre remarques facilement prévisible. Mais bon ... il semblerait de toute façon que je ne puisse pas offrir d'image plus reluisante de moi ... Je n'avais rien d'autre en stocks.

- J'ai 32 ans.

Je n'ajoutais rien, ni n'offrait de regard au géant à mes côtés, serrant seulement mon bâton plus fortement que nécessaire, les ailes traversées d'un léger spasme nerveux.

J'attendais ces remarques ou ces railleries, crispée mais prête.


Pourtant, en dehors de l'ambiance entre mon entraineur et moi-même, c'est l'air ambiant qui se transforma lentement. Une odeur fétide d'abord légère brise chatouillant mon nez devint de plus en plus oppressante jusqu'à ce nous débouchions sur la scène du carnage des loups.

Chair en putréfaction, relent de sang séché, charognards venus se repaître des restes et bourdonnement de mouches venant participer au festin.

L'odeur me prit à la gorge et un haut le cœur violent me prit, m'obligeant à plaquer ma main sur ma bouche et mon nez, avançant en fixant mon regard sur l'horizon pour ne pas voir les corps à mes pieds. Le sol était humide, gorgé de sang et de sécrétion. J'en pâlis, priant pour ne pas vomir, priant pour réussir à continuer d'avancer.

Saprobion restait impassible comme si rien ne pouvait l'atteindre. Tout en m'efforçant de ne pas régurgiter mon repas, je me demandais si, en effet, il était insensible.

Mes craintes de tout à l'heure sur sa colère à la révélation de ma situation amoureuse n'étaient peut-être pas fondées ... peut-être que pour lui, savoir cela n'était qu'une information sans importance.

Je ne savais pas trop quoi penser de tout cela et me contentait de continuer à avancer. Me concentrant sur mes pas m'évita de tomber et enfin, nous sortîmes de la zone nauséabonde.

A peine respirais-je un grand coup que je me retrouvais à m'écarter de mon compagnon, m'agenouillant dans un buisson pour vomir, les poumons saturés de cette odeur de mort.
Histoire de définitivement brisée la belle image de l'ange pour une pauvre souillon, les genoux couverts de terre, le visage blanc et des spasmes douloureux faisaient frémir mes ailes.
Une fois que mon estomac fut vidé, je fis apparaitre ma gourde pour essayer de me rincer la bouche et passer un peu d’eau sur mon visage blême.  Je ne m’étais pas rendu compte, la veille, du carnage que nous avions fait avec les loups.
J’avais honte de mon état, ma tenue était couverte de poussière, d’un reste de sang et des traces de mon entrainement. Il faudrait que je nettoie tout ça et que je me lave, être ainsi sale m’était pénible.

J’époussetais un peu ma tenue, essayant d’être un peu plus présentable, en vain. Je rangeais ma gourde et me releva, chancelante un peu mais ne pipa mot, revenant près de Saprobion pour que nous puissions reprendre la route.
La route fut longue et mes jambes devenaient de plus en plus lourde à force d’avancer mais je me fis violence pour ne pas être à la traîne ou me plaindre. Il fallait économiser son souffle.
Je trouvais sur la route de la menthe que je cueillis et mastiquait doucement pour m’ôter le goût acre qu’il me restait dans la bouche. J’avais un bon niveau en cueillette et pour une fois, je me félicitais pour avoir monté un métier que beaucoup qualifié de « peu rentable »

Enfin, Saprobion annonça que nous étions arrivés. Depuis un moment nous suivions le bruit d’une rivière et enfin, nous débouchèrent sur une de ces courbes. Je ne pus retenir un soupir heureux, laissant mes affaires, mon bâton et mes sandales sur la rive pour marcher pieds nus dans l’eau fraîche. C’était un pur régal … Le guerrier retira aussi sa lourde armure et se trempa plusieurs fois le visage.

J’hésitais à plonger tout entière dans l’eau pour me laver, me débarrasser de la crasse des derniers évènements et malgré la nuit qui commençait à tomber, je ne résistais pas et me laisser aller dans l’eau. Le froid mordait ma peau échauffée mais le plaisir de pouvoir se frotter le visage et de voir ma tunique retrouver d’avantage sa blancheur initiale fut plus fort.
Je vis du coin de l’œil de la Saponaria officinalis, communément, de l’herbe à savon ! Parfait !
Prenant quelques brins, je les frictionnais entre mes paumes mouillées jusqu’à ce qu’un peu de mousse se forme, me permettant une toilette plus poussée et même de me frotter les cheveux, me laissant une légère et bienvenue odeur florale sur le corps et sur mes vêtements que je frottais sur moi-même du mieux que je pus.

Enfin propre, je ressortis de la rivière, oubliant que ma tunique, en temps normal, ne cachait déjà pas beaucoup de mes courbes.

Saprobion avait le haut du torse dégoulinant d’eau, traçant ainsi le moindre de ces muscles. Je ne pouvais m’empêcher de suivre la courbe de ces pectoraux.
Cet homme était une montagne de muscle … Je pouvais me cacher 3 fois derrière lui. J’étais si frêle face à lui. Mon regard suivait le puissant torse du géant et je me surpris à me mordiller la lèvre en imaginant qu’il retire son vêtement.

Oulaaaaa … Mais je fais quoi là ?

Je détournai vite le regard, gênée et rouge de honte étant donné la course qu’avait pris mes pensées pendant quelques secondes.
Retournant auprès de mes affaires, je tentais d’essorer au maximum ma tunique, coiffant ma chevelure avec mes doigts pour finalement tenter une tresse.
Le mieux serait encore de retirer ma tenue et de l’accrocher sur une branche pour qu’elle sèche complètement, près du feu mais bien sûr, sotte que j’étais je n’avais pas de quoi me changer et … bien sûr … pas possible de ne rien porter le temps que mes vêtements sèchent. Je commençais donc à ramasser du petit bois pour faire un feu, délimitant le foyer avec un rond de pierre et, compétence de basse acquise, alluma un petit brasier réconfortant.
Je tendis les mains, et attendit que Saprobion s’approche pour lui demander d’une voix timide :

- Puis-je t’emprunter ta cape, le temps que mes vêtements sèchent, s’il te plait ?

Dans le cas ou il dirait non, je m’empourprerais mais me dirait qu’en même temps, de s’être mouillée complètement alors que la nuit tombait était idiot et j’essayerais de me sécher auprès du feu.

Dans le cas ou il accepterait, j’irais me cacher derrière un arbre pour retirer ma tenue et m’enrouler dans la cape , étendant ma tunique sur une branche, la laissant sécher au grés d’une légère brise.

Avec ce bain, j’en avais oublié mon ventre vide et le voilà qui me rappelle à l’ordre en grognant.
C’est donc à mon tour de voir ce qu’il y a dans mon inventaire. A part le pack d’aventurier de base, il me restait une ration. Aie … ça allait être compliqué …

- Il me reste une ration … ça risque d’être un maigre repas ce soir mais je pense qu’on peut trouver des baies ou des plantes comestibles dans le coin.

Me relevant, j’inspectais les environs. La chance semblait me sourire car non loin de notre position, je trouvais un buisson bien fourni de mûres et quelques champignons. De quoi au moins remplir un peu nos estomacs.
Revenant avec les bras chargés, je passais à la rivière laver ma cueillette et revint au feu pour faire griller les champignons. Je partageais ensuite la ration, les champignons et les mûres en deux parts, la plus grosse revenant bien sûr à Saprobion.

Le géant me tendit sa cape sans mot dire. Je le remercia d'un sourire, soulagée qu'il accepte sans rechigner et sautilla jusqu'à un buisson pour me défaire de mes vêtements humides.

Un léger vent me fit frissonner, parcourant ma peau nue d'une fraiche caresse. Bien que je ne veuille m'attarder trop longtemps, de peur d'être vu ainsi, dans le plus simple appareil, je ne pu m'empêcher d'étudier rapidement mon corps.

Bon sang ... Je n'avais vu de corps aussi ... parfait.

C'était à la fois fascinant et ... déroutant ... me renvoyant à mon propre vrai corps.Je n'avais pas un dixième de la grâce d'Aurore et encore moins de sa beauté. La courbe de mes seins parfaitement arrondie dont les pointe abordent un rose de pétale de fleur, lune peau nacrée sans imperfection, une chevelure qui ondule doucement dans mon dos en cascade d'or, un regard si bleu que le ciel semble se ternir. Une bouche charnue, de longs doigts fins, des jambes élancées et interminables, même le galbe de ces fesses aurait fait pâlir plus d'une femme ... Aurore était magnifique ... irréelle ... parfaite.
Cela avait été une raison de choisir cet avatar là ... Maintenant que je pouvais voir son reflet dans la rivière, j'en perdais le souffle.

C'était exactement ce que j'avais toujours voulu être : Une créature si sublime qu'elle ne pouvait laisser indifférent. Mais ... maintenant que je me retrouvais dans ce corps, je ressentais plus fortement encore la différence entre Aurore et moi. Le retour à la réalité serait ... d'autant plus dur après cela.

Je commençais à m'habituer à ce nouveau corps mais je n'avais pas encore réussi à utiliser réellement mes ailes ... cela aussi serait un élément manquant quand je retournerais à ma vie IRL ...

Je soupirais, entourant ce splendide corps de la cape de Saprobion pour ne plus le voir et repousser un peu la vague de jalousie qui saturait mes veines à la simple contemplation des cuisses fermes de l'ange.


Je revins donc prêt du campement et chercha ensuite de quoi diner.
La cueillette fut heureusement bonne et Saprobion semblait impressionner par mes trouvailles.

- Tu sembles bien connaître la flore. Bonne idée que tu as eu sinon on serait morts de faim.

- J'ai monté ma compétence " cueillette " à force de me promener partout à Harmonia. Je ne suis pas encore experte mais ça aide bien dans ces cas là. Et en tant que soigneuse, c'est toujours pratique de connaître quelques plantes médicinales en plus !

Je lui fis un clin d'oeil et lui tendis sa part du repas avant de grignoter la mienne.

La nuit finit par nous recouvrir complètement, l'air prit des saveurs nocturnes et au dessus de la rivière qui clapotait non loin du feu, quelques lucioles voletaient paresseusement, créant un voile magique par dessus l'eau.

Je regardais ces petites lueurs , la tête posée sur mes genoux relevés, recroquevillée sous la lourde cape , la chaleur du feu caressant ma joue .

Beaucoup trop de pensées remplissait ma tête mais je n'arrivais pas à en saisir une particulière pour y songer. La fatigue, notre journée de marche et cette nouvelle nuit que je m'apprêtais à passer seule me vidait de mon énergie, m'empêchant de penser correctement.

- Nous allons devoir trouver un endroit pour refaire le plein. A moins que tu n’aies des compétences en chasse, dans le cas contraire nous n’aurons pas d’autre choix que de rebrousser chemin.

J’acquiesçais :

- Non, je n'ai des compétences qu'en cueillette. Cela ne nous nourrit pas assez longtemps, donc oui je pense que nous devrions aller dans un village pour acheter des provisions et j'aimerais en profiter pour m'acheter une tenue adéquate.

Je lui désignais ma tunique légère en souriant. Il me faudrait une tenue plus adapté pour un voyage.

Saprobion finit par aller dormir et je lui souhaitais Bonne nuit d'une petite voix.

Malgré le oids de la fatigue sur mes paupières, je ne me coucha pas immédiatement, surveillant les alentours, mon bâton à proximité, veillant sur le sommeil du géant qui ne tarda pas à s'assoupir. Sa poitrine se soulevait doucement en inspiration régulière.

Je pouvais l'observer sans me cacher.

Je suivais la courbe de sa mâchoire carré, remonta mon regard jusqu'à ces lèvres, son nez droit et ces paupières baissés sur ses yeux détaillant le moindre détail, dessinant ces traits dans ma mémoire.

Il était encore plus attirant endormi. Mais du coup ... je me demandais si cette attirance n'était que physique. Son corps lui aussi était beau, même fascinant. S'il n'y avait pas "Seb" derrière ... porterais-je le même regard sur le guerrier ?

Je soupirais en baillant, calant mon front contre mon bras toujours appuyé sur mon genou.
En fermant les yeux, je repensais aux différentes facette que j'avais déjà pu découvrir du géant et finalement je me dis qu'un corps ne faisait pas tout . C'est l'âme qui le fait vivre qui peut rendre le corps réellement beau ... Ainsi , l'attirance était aussi dû au caractère de l'autre, sa mentalité , pas qu'une simple enveloppe corporelle ...

Mais enfin ... ce n'est pas comme si j'avais le droit d'avoir ce genre de pensée ou d'attirance , me dis-je en soupirant, resserrant la cape sur mes épaules dénudées.


Laissant le doux foyer et son dormeur dans le silence de la nuit, je me relevais, assoiffée et le corps un peu trop nerveux pour l'immobilité du repos.

Le roulis de l'eau sur les cailloux courant le long de la rive agrémenté du chant des insectes nocturnes rendait le lieu féerique. Les lucioles continuaient leurs danses aériennes avec lenteur et l'odeur exquises de quelques belles-de-nuit s'ouvrant doucement sous les rayons lunaires crée une ambiance unique.

Ce genre d'instant ne pouvait pas exister dans la  vraie vie ...  tout semblait iréel et pourtant je savais que j'étais ancrée dans une réalité .... celle-ci , celle de l'instant présent.

Ambiance:

Je fredonnais doucement une petite mélodie qui me trottait dans la tête. Puis .... doucement, je me mis à pleurer. Le surplus d'émotion ... tant de choses qui avaient changé en si peu de temps ... un nouveau monde, un nouveau corps, des pouvoirs, des ailes, un ennemi se changeant en coach ...

J'en avais perdu mon identité ... Qui étais-je ... ? Allais-je devenir totalement Aurore ... ? Resterais-je Alice, mal à l'aise dans un corps trop beau pour moi ?

Saprobion semblait s'être adapté à cette nouvelle vie... allais-je oublier mon ancienne vie ?
J'avais toujours la sensation d'avoir mon alliance , serrant ma peau pourtant, à mon doigt il n'y avait rien.

Mes larmes se tarirent enfin et après m'être lavé le visage, je revins sans bruit près du feu, m'allongea en boule sous la cape et finit par m'endormir jusqu'au petit matin.

A nouveau Saprobion me réveilla. Mon sommeil avait été peuplé de mauvais rêve et je me levais le corps en sueur, passablement stressé mais surtout courbaturée.

Pourtant encore une fois, je suivi l'entrainement imposé par Saprobion, refusant de me plaindre ou de traîner la patte.
Enfin ce supplice exécutait, nous nous arrêtâmes pour nous restaurer. D'abord une toilette pour être présentable et enfin, je m'assis pour manger quelques baies.

Pendant que le guerrier regardait le morceau d'indice, j'essayais à nouveau de faire bouger mes ailes. Les faire frémir, je savais mais les bouger plus franchement était encore difficile.
Mon ventre grognait d'être aussi peu remplie mais je n'y prêtais pas garde et me concentrais sur mes ailes, oubliant tout ce qui m'entourait jusqu’à Saprobion qui me questionnait pour me concentrer sur les muscles dans mon dos.

Je fermais les yeux, sourcils froncés, le corps entier à l’affût , cherchant la jointure de mes ailes sur ma colonne vertébrale pour focaliser mon attention et ma force à cet endroit.

Un mouvement ... imperceptible
Un autre , plus franc. De léger mouvement de balancier. Les os qui commençaient à osciller, les muscles figés .
Continuer encore et encore ... bander tous ces muscles et leur commander de bouger.

Allez ...

Encore un peu
Je veux y arriver !!
Je PEUX y arriver !!  

- Aaaah pu...... Allez !!

Je ne me rendais même pas compte que je marmonnais, le corps totalement crispé sous la concentration mais enfin ... enfin ... le miracle. Mes ailes battaient
Mollement mais elles battaient. Je tenais la liaison reliant mon corps à ces deux ossatures. J'arrivais à les faire bouger mais je manquais de force. De pouvoir déjà sentir pleinement ces deux extrémités étaient déjà en soit une victoire mais cela m'avait éreinté et je me laissais tomber en arrière sur le dos, le regard tourné vers l'azur lointaine , le souffle court, n'arrivant pas à trouver les mots pour exprimer mon ressenti. Je me sentais complètement grisée par cette expérience.
Qu'est ce que cela allait être quand je pourrais les utiliser pleinement ?

Au bout de plusieurs minutes, je finis par me redresser, pour faire face à Saprobion qui tenait toujours la carte de l'indice.

- Désolé, je crois que je ne t'ai pas écouté !


Reprenant l'indice des mains du Géant, je m'y penchais.

Cela ressemblait à la carte du monde mais il y avait un endroit qui semblait avoir été dessiné avec plus de détail que les autres lieux. J'ouvrais ma carte en pianotant sur mon avant-bras , comparant les deux et en montrant ce détail à Saprobion.

- C'est bizarre. Sur notre carte il n'y a rien à cet endroit pourtant sur l'indice, on dirait qu'il y a une sorte de clairière , un peu plus haut , au dessus de la courbe de la rivière ou nous sommes actuellement. Et ce dessin ... on dirait une plante ...ou .. un oiseau ... Attends ... Non ... Il y  en a dans cette foret ?? Saprobion, Viens !

Je me redressais d'un coup, attrapant mes affaires et bondissant d'un coup vers la rivière pour en suivre le cours. Si ce que j'avais en tête était juste, je savais ou étais l'indice.

L'emplacement que désignait l'indice devait se trouver un peu au dessus de notre position et c'est quand je sentis une odeur douce, sucrée et réconfortante que je sus que j'avais eu raison.

Au bout de quelques minutes de marche, j'emmenais Saprobion dans une petite clairière particulièrement humide. En son centre, trônait un bouquet d'oiseau. Ou plus exactement des Habenaria Radiata... Des orchidées colombes. Des fleurs qui ressemblaient à des oiseaux blancs.

J'approchais, cherchant du regard un nouvel indice et en plongeant ma main au centre de ces orchidées blanches, je tombais sur l'indice suivant : un autre morceau de carte qui se scindait au premier morceau et désignait un nouvel endroit.

Je le tendais à Saprobion.

- Voilà la suite de notre aventure.