Je ne souhaite à personne de faire ce genre de rencontre, surtout quand on n'y est pas préparé. Bien sûr que j'ai déjà combattu des géants auparavant, et même plutôt deux fois qu'une. Mais c'est une tout autre histoire d'entretenir une discussion avec l'un d'entre eux : disons que jusqu'ici dans le jeu, nous n'avons pas eu besoin de leur parler, juste leur taper dessus. Mais qu'est-ce qu'on peut bien avoir à dire à une semi-géante ? Je ne vais quand même pas lui parler de fringues grandes-tailles ?

De son côté, la femme n'en finit pas de se déplier, et j'ai l'impression que ça dure des heures. Je baragouine quelques mots d'excuse, en la regardant faire, et lui crie malgré moi mon nom. J'avoue ne même pas savoir si elle m'entend vu la distance qui sépare ma gorge de son oreille. Mais sa réponse me fait sursauter et résonne dans ma tête comme un coup de corne de brume. Ca y est je vais devenir sourd, adieu mes tympans. J'adresse un signe de main à la jeune femme pour lui montrer que j'ai parfaitement compris son message.

"Okay ! Okay ! Désolée, je m'imaginais vu votre grandeur, que vous ne m'entendiez pas. Et ne vous inquiétez pas pour moi, après tout je n'avais qu'à faire attention où je mets mes pieds..."

Notre discussion est interrompue par l'arrivée intempestive de plusieurs cavaliers qui, vu la réaction de mon interlocutrice, ont l'air de vouloir en découdre avec elle. Je ne saurai pas exactement ce qu'il se passe à ce moment là, mais il pousse de la roche autour de moi, formant comme un genre de mur éphémère, sitôt poussé, sitôt enterré. Je regarde la fameuse Deyna d'un air interloqué, et elle a l'air aussi surprise que moi. Est ce que c'est elle qui a fait ça ?

"Vous êtes pleine de surprise mademoiselle Deyna ! Ces messieurs vous ont importuné on dirait... Laissez moi gérer ça."

Je m'interpose entre elle et le groupe qui pensent sûrement m'impressionner en me disant que je suis son petit ami. J'arque un sourcil et me retourne vers la géante en lui faisant un clin d'oeil. Puis je range complètement ma dague dans son fourreau et je réajuste ma chemise pour être plus présentable. Finalement, je saute d'un pas leste sur le manche du marteau géant, pour paraître plus grand à mon tour.

Alors que les cavaliers sont maintenant bien alignés devant moi, leur monture piaffant d'impatience, je décide de faire à mon tour une démonstration de mon pouvoir et retrousse mes manches. Une fois fait, je fais grossir une boule de feu de belle taille au creux de ma main et la dirige droit devant moi. La boule fuse dans un  un sifflement puissant vers le premier assaillant et va s'écraser juste devant les pieds du premier cheval. Celui-ci se cabre de panique en désarçonnant son cavalier, celui-là même qui prétendait une idylle entre la géante et moi. Il se retrouve sur les fesses en grognant de douleur.

"On ne vous a jamais appris à être polis avec les dames bande de crétins ? Et oui, c'est ma promise qu'est-ce que vous trouvez à y redire ? Fichez le camp, où je vous crame tous ! J'en ai une pour chacun de vous en réserve !"

Les événements s'enchaînent à une trop grande vitesse pour moi, et plus le temps passe, plus j'ai l'impression que la situation m'échappe complètement. Je n'aime pas ça du tout. En plus la semi-géante a un comportement que je n'arrive pas à définir : tantôt agressive, tantôt curieuse, tantôt infantile, c'est assez compliqué de savoir comment m'adapter à cette rencontre, pour ne pas finir écrabouillé par son immense marteau de guerre. Et l'affaire s'était encore corsée quand ces hommes venus pour en découdre avec Deyna ont fait leur apparition. Comme si ce n'était pas assez compliqué comme ça !

Je tente une diversion qui je crois réussit, puisque ma boule de feu va s'écraser au pieds des chevaux et désarçonne même un des cavaliers. Je n'ai pas le temps de savourer ma performance, que je suis immédiatement soulevé dans les airs et plaqué contre l'énorme poitrine de la géante, juste à ce creux entre les deux chairs. Le visage en feu par cette soudaine et parfaitement gênante proximité, les mains plaquées contre la peau de ses formes, je sens une de mes mains s'accrocher à ce qu'elle trouve, et relâcher aussitôt sa prise pour venir se plaquer contre mon torse : OH MY GOD, je viens d'agripper son mamelon sans le vouloir !

Je me fais aussi petit que possible, et me mets en position foetale, n'osant plus ni bouger, ni respirer. Je me vois déjà glisser entre ses seins si elle me lâche, et pris en étau dans son gigantesque décolleté. Je meurs de honte. Je suis tellement concentré sur ce que je ne dois pas toucher ou regarder, que je ne vois absolument rien de ce qu'elle fait, ni de ce qu'il se passe à terre. Je prie juste pour que ça s'arrête au plus vite.

Je ne sais pas exactement combien de temps je reste ainsi, mais la géante finit par me reposer à terre en récupérant son arme. Je pousse un immense soupir de soulagement en me retrouvant sur l'herbe. Les dieux m'ont entendu, hourra !

Ma joie est de courte durée car presque immédiatement, Deyna me demande ce qu'est une promise, et si je connais l'Oeil d'Ashra... Deux questions sans aucun rapport entre les deux, ce qui me déstabilise à nouveau, et je repense aussitôt aux quelques minutes qui viennent de s'écouler juste avant... Et vlan, le rouge me monte à nouveau aux joues. Essayant de ne pas trop le laisser paraître, je m'éclaircis la voix en baissant un peu le nez pour cacher ma gêne.

"Hum... Non, non je ne veux pas vous manger, j'ai même plutôt peur de l'inverse en fait... Une promise c'est, la femme dont un homme est amoureux et qui envisage un avenir heureux avec elle, une fiancée quoi..."

Je remets un peu d'ordre dans la tenue pour me recentrer sur autre chose que ses... Attributs féminins, et je vais pour répondre à son autre question, quand le destin décide de ne pas me laisser de répit, car je vois aussitôt mes hommes arriver en courant vers nous... J'espère de tout mon coeur qu'ils n'ont rien vu, et connaissant mes guerriers et leur tempérament au combat, je me place entre Deyna et eux, bras écartés, pour qu'ils comprennent qu'il ne doivent pas l'attaquer.

"Tout va bien les gars, je n'ai rien et elle n'est pas notre ennemie."

Je croise aussitôt le regard de "Lance-L'eau" un de mes amis et mage dans le jeu, et je vois immédiatement un rictus se lever au coin de ses lèvres. Et là je sais qu'il sait : c'est mort, il a tout vu. Je sens que je n'ai pas fini d'entendre parler de cette histoire... Je tente néanmoins de ne pas rajouter d'eau à son moulin et oriente immédiatement la discussion sur autre chose.

"Mademoiselle Deyna avait un soucis avec un groupe d'individus, et elle est à la recherche d'un artefact. Je me suis proposée pour l'aider, rien de plus. Vous savez ce que vous avez à faire, alors levez le camp, et partez pour Kazel, je vous y retrouverai dès que possible..."

Il n'y a pas à dire, je suis le roi de la boulette et je devrais même être couronné pour ça ! In real Life, c'est déjà le cas, mais je n'aurais jamais pensé que ce trait de caractère me suivrai jusqu'ici, alors que j'ai créé mon avatar Ryan en total opposition avec ça. Il faut croire que le fait de me retrouver coincé dans son enveloppe ne m'a pas épargné certaines choses... Quoi qu'il en soit, je me retrouve toujours embarqué dans des situations impossibles. Et cette journée ne fait pas exception à la règle.

Si on m'avait dit ce matin que j'allais atterrir dans le décolleté d'une semi-géante, je serai sûrement retourné me coucher en donnant l'ordre de ne pas me déranger jusqu'au lendemain matin ! Mais bon, encore une fois, je me retrouve dans de beaux draps, et plus j'essaie de m'en extirper, plus j'ai l'impression de m'enfoncer un peu plus. Comment je vais bien pouvoir me sortir cette fois ?

Alors que je suis trop heureux de retrouver le plancher des vaches, j'entends un orage éclater au-dessus de ma tête et je m'attends déjà à me retrouver six pieds sous terre. Moi qui ai espéré que ma misérable poigne est passée inaperçue, je ne peux qu'attendre la tempête, et comble de tout, elle a hurlé tellement fort que quand mes hommes sont arrivés, j'ai tout de suite compris que Lance-L'eau a capté ce qu'il vient de se passer. *Gros soupir*

Je trouve quand même le moyen de renvoyer mes compagnons à leur tâche et c'est déjà une victoire en soi. Mais je suis aussitôt rattrapé par l'incident, et par mes paroles que je regrette aussitôt.

"Mon am...our ? De quoi ? Oulalala..."

Je n'ai même pas le temps de réagir que la gigantesque jeune femme se retrouve entièrement nue devant moi, et le rouge me monte au front, aux joues, au nez et à mon corps tout entier. Je ne peux m'empêcher de revoir en une seconde mon geste maladroit et totalement déplacé, ce qui fait rougir encore plus. Deyna commence à nager et à faire des remous dans l'eau, qui paraissent à ma taille comme de véritables tsunamis. D'ailleurs je suis obligée de me reculer en courant pour ne pas être emporter par l'une de ces vagues. Plus elle me fait signe de la rejoindre, et plus je m'éloigne du bord. je pense que c'est le meilleur moment pour essayer de clarifier la situation avec elle, et c'est avec une énorme boule au ventre que je me lance dans une explication, qui je l'espère sera bien comprise.

"Mademoiselle Deyna, vous êtes croyez moi sur parole, la plus jolie jeune géante que j'ai vu de ma toute petite vie. Et je suis sûre que vous avez les atouts les plus charmants de ce monde. Et cela me navre d'avoir pu embrouiller votre jugement, parce que je me suis mal exprimé en vous expliquant ce qu'était une promise."

Au fur et à mesure que je parle, j'essaie de me rapprocher d'un endroit où il lui sera plus difficile de m'atteindre, juste au cas où... Je suis sincèrement navré d'avoir pu lui donner l'impression que je pouvais ressentir quelque chose pour elle, surtout qu'elle pourrait facilement m'écraser comme un vulgaire insecte. J'inspire profondément, comme si c'était ma dernière bouffée d'air, et continue sur ma lancée.

"Je ne joue jamais avec le coeur des demoiselles soyez-en sûre ! Mais voyez comme nous sommes bien trop différents pour pouvoir envisager une relation amoureuse. Je... Je me suis même perdu au milieu de votre magnifique poitrine tout à l'heure ! Comment pourrions-nous faire dans ce cas ? A mon échelle, je n'ai malheureusement rien à vous offrir, je ne pourrai même pas être l'épaule solide sur laquelle vous pourriez vous réconforter si un jour vous avez de la peine... Vous savez que je suis un aventurier n'est-ce pas Deyna ? Et je dois vous avouer qu'il y a déjà une madame O'malley dans ma vie..."

Je guette avec beaucoup d'appréhension sa réaction, et je m'imagine déjà renaître au sanctuaire le plus proche. Mais je refuse de la laisser croire que j'ai pu avoir des sentiments amoureux pour elle, et je préfère mettre ma vie en danger tout de suite en lui expliquant la situation que de la laisser croire n'importe quoi. J'essaie de rebondir sur la suite de sa conversation, quand elle me demande ce que je vais faire à Kazel. Et j'entrevois soudainement une possible solution !

"J'ai bien conscience de vous avoir peut-être blessée involontairement par ma maladresse, et je m'en excuse sincèrement... Par contre, j'aimerai beaucoup que nous devenions amis, de vrais amis qui peuvent compter l'un sur l'autre. Vous me semblez bien seule et j'ai peut-être quelque chose qui va vous intéresser. Vous ne le savez pas, mais je suis chef de guilde, et à la tête d'une armée d'aventuriers. Nous sommes en train de reconstruire une ville pour les autres personnes comme nous, et je me charge de la défense de la ville. Notre peuple aurait bien besoin d'une femme comme vous pour le défendre, et je sui prêt à vous amener avec moi si vous le souhaitez. Vous ne seriez plus seule, nous vous construirons une maison à votre taille, et vous aurez un métier à votre hauteur... Qu'en pensez-vous ?"

Sa réaction est hélas à la hauteur de mes espérances, et je ne dois ma survie, qu'à mon agilité face à l'immensité de la jeune fille, et à quelques buissons assez grands pour me recouvrir tout entier. Je sens le mouvement de sa main juste au-dessus de ma tête, et c'est comme si une rafale de vent puissante était passé à quelques centimètres de mon crâne. Sa main s'est heureusement refermée sur les branchages qu'elle envoya presque sur l'autre rive. Je n'ose pas imaginer l'état dans lequel je serais, si elle n'avait pas manqué sa prise.

Elle ressort finalement de l'eau pour se rhabiller, et va s'asseoir sur un rocher un peu plus loin avec l'air abattu. Je la regarde avec un mélange de soulagement d'être encore en vie, et de remords d'avoir du la faire souffrir sans le vouloir. Je suis pris aussi entre la sagesse qui me dit de rester exactement là où je suis c'est à dire loin d'elle, et mon instinct gentleman qui me dit d'aller la voir et d'essayer de la consoler. Je soupire longuement, et me décide finalement à aller m'asseoir à côté d'elle.

"Je ne t'ai pas menti Deyna, j'ai simplement essayé de te protéger de ces autres hommes qui te voulaient du mal. Je ne pensais vraiment pas que tu prendrais mes paroles pour argent comptant... Je suis vraiment désolé de t'avoir mal expliqué les choses. Je te promets de faire attention à ce que je te dirai maintenant. En tous cas, ma proposition de devenir ton ami est sincère, et j'espère vraiment que tu vas y réfléchir."

Je réfléchis à ce que je viens de dire, et de lui promettre, notamment au sujet de la maison que la guilde pourrait mettre à sa disposition. Il est évident qu'elle ne peut pas déambuler dans les ruelles étroites de Midgard, et que seules les grandes avenues sont propices à ses rondes. Mais je me dis qu'elle peut très bien patrouiller autour du mur d'enceinte, et pourquoi pas aider à réguler les entrées et sorties de la ville. Je lui adresse mon plus beau sourire, parce que je viens d'avoir une idée qui pourrait convenir à tout le monde, d'autant plus que les géants sont connus pour faire d'excellents gardiens.

"Deyna ? Que dirais-tu si je te confiais le contrôle des gens qui entrent dans la cité ? Tu serais en dehors de la ville, mais aussi juste à son entrée, donc pas isolée du tout du reste des habitants, et puis il y aura avec toi des gardes pour te seconder. La ville est entourée d'une grande muraille, et quatre grandes tours. Je suis sûre que dans la plus grande, et en supprimant quelques étages, on peut t'aménager un beau logement."

Je lui laisse quelques minutes pour réfléchir à tout ça, en continuant de lui expliquer les aménagements possibles pour qu'elle se sente bien. Elle me surprend alors en me posant deux questions auxquelles je ne m'attendais vraiment pas. Et je lui réponds du tac-au-tac, sans même y réfléchir.

"J'ai eu peur de toi oui au début, mais depuis que nous commençons à nous parler, plus du tout. J'ai envie de te connaître un peu plus, je suis très curieux de nature, et ce n'est pas tous les jours qu'on peut côtoyer une aussi grande personne !" lui dis-je en lui faisant un clin d'oeil amical. Et pour ton oeil... Si tu nous rejoins, et même si je ne sais pas exactement ce que c'est, nous le chercherons avec toi... Tu sais une guilde c'est avant tout de l'entraide entre amis. Nous ne serions pas dignes de Polar star, si nous ne soutenions pas les copains..."